Femelles-Tropilaelaps-mercedesae-et-Varroa-destructor-Photo-Terd-Disayathanoowat

« Apprend à connaitre ton ennemi… ».

Si c’est Sun Tzu qui le dit, ce doit être vrai.

Ce n’est pas être catastrophiste que de se dire que, tôt ou tard, nous devrons nous confronter au parasite Tropilaelaps sp. ; il constitue un risque émergent et c’est un danger sanitaire règlementé en Europe.

Aujourd’hui absent de nos populations d’abeilles, le risque d’introduction est présent, la règlementation sur les importations constitue la principale protection.  Etant rappelé que, à l’exception de la Nouvelle Zélande, les importations d’essaims ou de colonies en provenance de pays hors CE est interdite, le risque court terme est donc l’importation illégale. C’est le message principal à passer aux apiculteurs Français.

Tropilaelaps est un acarien se développant dans le couvain d’abeilles sur un mode qui rappelle Varroa destructor, mais, à y regarder de plus près, on relève des différences dans la biologie de ces deux espèces, différences qu’il est intéressant de connaitre, notamment parce qu’elles peuvent conditionner les mesures de détection et les méthodes de lutte. Rebaptisé « Tropimite » par la littérature Anglo saxonne, c’est un agent pathogène encore incomplètement étudié. Petite revue de détail.

Quatre espèces du genre Tropilaelaps parasites des abeilles sont décrites à ce jour, les deux espèces Tropilaelaps  clareae et T. mercedesae ayant été identifiées comme pathogènes pour Apis mellifera. Dans les colonies très infestées, les symptômes sont relativement similaires à ceux causés par le varroa (affaiblissement, dépopulation).

Sur le plan règlementaire, sa détection dans une ruche ou dans des produits d’importation doit être déclaré, c’est une obligation légale. L’infestation à Tropilaelaps sp. est catégorisée D+E (anciennement DS1), les mesures de lutte restent de la responsabilité de l’Etat.

Tropilaelaps a été initialement décrit comme pathogène d’Apis dorsata (son hôte historique),  Apis cerana et d’Apis Florea aux Philippines et en Indonésie. Son périmètre de diffusion est désormais étendu à l’Asie du sud est, à la Chine, au sous-continent indien, à l’Iran, l’Afghanistan, l’Afrique de l’est et, vers l’est, à la Papouasie-Nouvelle Guinée. Sa détection au moyen orient est probablement imminente. On ne peut pas s’empêcher de trouver des similitudes avec l’historique de diffusion de Varroa avant son arrivée en Europe.

Origine et géographie

D’un point de vue philogénétique, Tropilaelaps appartient à une famille qui recouvre différents ectoparasites, notamment de rats et de chauve-souris. Associé à une morphologie adaptée à la locomotion, cela suggère une spécialisation dans le parasitisme d’abeilles sociales relativement récente. C’est un point intéressant à prendre en compte s’il s’agit d’imaginer des stratégies de lutte.

Morphologie et détection visuelle

Il est de plus petite taille (environ 1mm de long) et de forme ovoïde (partie a de la photo de couverture) qui le différencie de varroa (partie b). Il ne peut pas être confondu mais il sera beaucoup plus difficile à voir à l’œil nu, en particulier car il se déplace rapidement (disposition latérale de ses paires de pattes plus adaptée au déplacement). Par ailleurs, il passe relativement peu de temps hors du couvain car il est incapable de se nourrir sur l’abeille adulte (incapacité à percer la cuticule de l’abeille). En conséquence, la détection par comptage de Tropilaelaps phorétiques aura ses limites.

Développement

Il se reproduit hors de la cellule, se nourrit et se développe dans le couvain operculé ou il cohabite avec varroa. On n’observe pas de préférence pour le couvain de mâles comme chez varroa. En fonction du niveau d’infestation de la colonie, une cellule pourra contenir jusqu’à une dizaine d’adultes reproducteurs.

Son cycle de développement est plus rapide que celui de varroa (6 ou 7 jours selon les auteurs) et il bénéficie d’un taux de reproduction très important. Au niveau de la colonie on a compté des populations de Tropilaelaps 25 fois plus importantes que celles de Varroa.

Les mâles sont capables de survivre hors des cellules de couvain d’abeilles, de se déplacer d’un cadre à un autre, de participer à plusieurs cycles de reproduction. A noter que, contrairement à varroa, cela lui permet d’entretenir un brassage génétique, en principe facteur de robustesse.

Compte tenu de son taux de développement important, on décrit un phénomène d’effondrement des colonies infestées (quelques semaines) plus rapide que dans le cas des varrooses.

Pathogénie

Comme Varroa, il se nourrit en ingérant l’hémolymphe de la nymphe d’abeille à ses différents stades. On l’observe en train de se nourrir indifféremment sur toute la surface du corps de la nymphe (Rappelons que pour varroa, la fondatrice « fore » à un endroit le corps de la nymphe, lieu ou la descendance vient se nourrir). En conséquence, ce mode opératoire peut se traduire par des anomalies de toutes sortes sur l’abeille adulte (antennes ou abdomen déformés, cuticule avec de petits trous) mais aussi couvain mosaïqué, abeilles rampantes à l’entrée de la ruche.

La transmission active des virus DWV (« virus des ailes déformées ») et BQCV (« virus de la maladie noire de la cellule de reine ») a été démontrée avec Tropilaelaps mercedesae.

Perspectives en matière de lutte

A ce jour, aucun médicament ne dispose d’une AMM contre Tropilaelaps et les recherches sont en cours pour connaitre sa sensibilité. Son cycle de développement très concentré sur le couvain fermé limite le nombre de principes actifs cibles. En Thaïlande, pays qui connait une très forte infestation, des tentatives de traitement à l’acide formique sont populaires mais, en l’état des procédés en vigueur, ont manifestement de gros effets néfastes (mortalité, dépopulation).

Les traitements thermiques, la suppression de couvain, l’arrêt naturel ou la rupture de ponte provoquée sont aujourd’hui les meilleures pistes de recherche, la survie maximale d’un adulte Tropilaelaps en l’absence de couvain étant de 9 jours.

A noter également les perspectives ouvertes par la sélection d’abeilles résistantes. Tropilaelaps semble rencontrer des problèmes pour se reproduire dans certaines colonies d’abeilles et la recherche rapporte que le caractère d’élimination de couvain infesté par varroa est également efficace dans l’infestation à Tropilaelaps. Il semble donc exister un caractère hygiénique croisé.

La stratégie de défense reste la vigilance et la détection, soit par examen des débris du plancher (procéder par lavage et filtration), soit par examen du couvain fermé (en utilisant un peigne à désoperculer). En cas de doute, prélever pour identification (NB : ne jamais envoyer pour identification des acariens vivants. Les conserver dans l’alcool ou leur imposer une nuit au congélateur).

Et, bien sur, le respect des procédures de contrôle à l’importation de pays hors CE reste plus que jamais essentielle. Pour rappel l’importation de reines n’est autorisée que de pays indemnes de Tropilaelaps, les reines doivent être accompagnées d’un certificat vétérinaire, les accompagnatrices limitées à 20 individus et un contrôle est effectué à l’arrivée. Les importations « sauvages » sont irresponsables et c’est important de le faire savoir.

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