Les résultats de l’enquête sur la perception du sanitaire en apiculture sont disponibles – le bilan de synthèse est téléchargeable ici.
Le questionnaire a été plutôt bien répondu, les données sont présentées dans le document sous la forme qui nous a semblé la plus lisible.
Chacun pourra en prendre connaissance et se faire sa propre opinion sur ce que cela dit de la situation, sur ce qu’il y aurait lieu d’améliorer dans nos dispositifs et nos pratiques. De notre point de vue, l’ensemble (données et commentaires associés) fournit une bonne photographie de la situation, avec si l’on regarde dans le détail, beaucoup de choses intéressantes.
Pour rester dans le format d’un billet, on peut dire un mot de trois constats.
« Pour l’instant je maitrise le sanitaire, mais…. »
Il y a consensus (96%) sur l’importance du sanitaire dans les pratiques apicoles. Bien sûr, on pourra dire avec raison que c’est un des biais de l’enquête : les apiculteurs estimant que le sanitaire n’est pas un sujet ne se sont certainement pas précipités pour répondre.
Une très grande majorité d’apicultrices et d’apiculteurs disent assez bien maitriser la situation : confiance dans les protocoles qu’ils ont adoptés (85%), taux de perte assumé ou maitrisé, assez peu de problèmes sanitaires dont les causes seraient restées mal identifiées. La gestion sanitaire des ruches ne représente pour eux pas un poste de dépense budgétaire significatif mais est en revanche consommatrice de temps (57%). A juste titre les problèmes sanitaires sont identifiés comme relevant bien de la lutte collective et de la coordination entre apiculteurs (83,8%).
En revanche, il y a un très fort consensus pour reconnaitre que la dimension sanitaire va prendre de l’importance dans les années à venir et sur l’obligation à faire évoluer les pratiques. Le problème du « comment ? » est donc clairement posé.
La faible lisibilité des dispositifs de soutien
A l’exception notable de la Suisse, les avis sont très partagés sur la lisibilité des structures de soutien et plus généralement sur l’organisation de la filière. Face à un problème sanitaire, une part importante d’apiculteurs ira trouver l’information dans la documentation, fera appel à un collègue ou se débrouillera tout seul. Le choix « je fais appel à la structure (syndicat, groupement) à laquelle j’ai adhéré » n’arrive qu’en quatrième position, devançant qu’une courte tête le choix « je prends avis sur les forums internet », ce qui pose tout de même une question.
La lisibilité comme la confiance dans ces structures est inversement proportionnelle à la taille du cheptel.
Enfin, l’appel en cas de problème à un professionnel (Vétérinaire ou Technicien sanitaire apicole) est très minoritaire, voire marginal en France.
On retrouve bien ici la « carte d’identité » de la filière apicole, au moins de la situation Française. On en connait les raisons : « l’apiculteur » réputé autonome ou individualiste, le chevauchement en France des différentes structures à vocation sanitaire qui aboutit à un schéma faiblement lisible, à un émiettement des financements destinés à la filière, à la faiblesse de la coopération entre structures.
Mais à nouveau la question de la formation, de l’encadrement et des dispositifs d’intervention gagnerait à être regardée, de préférence sans a priori ni logiques de chapelles.
Actualisation des connaissances et pédagogie
Malheureusement la santé des abeilles connait et connaitra encore dans les années qui viennent une actualité fournie. Mais, les connaissances ont tendance à progresser au rythme de l’apparition de nouveaux dangers sanitaires.
On s’en doutait, et c’était d’ailleurs un des points de départ de l’étude, il y a donc inévitablement un décalage entre les perceptions « scientifique » et « terrain » des dangers et risques sanitaires.
Alors, autant Varroa, frelon asiatique et risque d’intoxication par un pesticide agricole sont très largement identifiés comme des menaces, autant les autres pathogènes, notamment agents des loques et virus le sont faiblement, tout du moins si on se réfère à une prévalence épidémiologique de ces dangers (NB : sur la présence des dangers sanitaires on peut se référer à l’avis de l’Anses de 2015 ici ).
Ces écarts, qui encore une fois s’expliquent, posent de fait deux problèmes différents : d’une part la teneur des dispositifs de formation aux pratiques sanitaires, qui bien sûr doivent être adaptés aux différents publics, modèle et taille d’exploitation notamment. D’autre part la pédagogie qui devrait accompagner l’évolution des dispositifs règlementaires. La législation évolue fin avril 2021 en France et il n’est pas sûr qu’elle soit pour les apiculteurs d’une grande lisibilité ni que le classement des dangers soit compris comme très logique. Bien sûr, un dispositif règlementaire doit s’adosser aux données scientifiques, mais son « acceptabilité » gagnerait à prendre en compte la perception de ceux et celles qui sont censés l’appliquer.
Si cette étude pouvait très modestement apporter sa petite pierre à l’édifice, nous en serions ravis.
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