En apiculture il peut y avoir des écarts entre la perception d’un danger sanitaire et sa présence dans les colonies d’abeilles. C’est notamment le cas des virus de l’abeille domestique : si l’on trouve 4 virus dans le « top 10 » des dangers des abeilles présents en France (Source : étude de l’Anses de 2015 à retrouver ici : https://www.anses.fr/fr/system/files/SANT2013sa0049-01.pdf) et les 7 principaux virus dans le « top 13 », ils ne seraient que 12% d’apiculteurs a estimer la menace « majeure », et 38% à l’estimer « modérée – risque contrôlé » plaçant ainsi le danger des viroses derrière les dangers nosémose, maladies du couvain (loques, ascospherose) et bien sur Varroa. Une sensibilisation un peu plus affirmée si l’on regarde spécifiquement le segment « professionnels » (plus de 150 colonies) mais une hiérarchie des dangers qui reste la même (données issues de l’enquête « sanitaire en apiculture » – mars 2021).
C’est assez logique puisque d’une part nos connaissances sur les virus progressent encore, que les tableaux cliniques ne sont pas forcément très simples à interpréter, et que leur impact a été longtemps sous estimé chez les abeilles.
L’occasion de vous proposer un point rapide sur le sujet.
7 principaux virus à expression pathogène de l’abeille mellifère
Comme vous le savez, les virus sont des structures vivantes extrêmement simples et dépendantes d’un hôte à infecter pour pouvoir se répliquer.
Sept virus sont réputés pouvoir provoquer des symptômes au dans les colonies d’abeilles.
- Le Virus des ailes déformées (DWV) est désormais associé à des pertes de colonies. Il présente 3 variants et des recombinants bien décrits, même si les recherches sont encore en cours sur leurs pouvoirs pathogènes respectifs. On sait qu’il est associé à Varroa destructor qui joue à la fois un rôle de réservoir et de vecteur.
- Les virus de la cellule de reine (BQCV) et le virus du couvain sacciforme (SBV) qui sont des pathogènes du couvain.
- Différents virus provoquent des symptômes de tremblements et paralysie chez les abeilles adultes et sont impliqués dans des dépopulations de ruches, voire dans des effondrements de colonies : le virus de la paralysie aigue (ABPV) est structurellement très proche du virus Cachemire (KBV) et du virus Israélien de la paralysie aigue (IAPV) ; on les rassemble dans un groupe viral qualifié de « complexe AKI ». Enfin le virus de la paralysie chronique (CBPV) s’accompagne de dépilations des abeilles et d’un aspect brun foncé de la cuticule ; C’est la « maladie noire » connue depuis l’antiquité. Elle peut être responsable de mortalité importante d’ouvrières.
Tous ces virus sont des virus à ARN. Ils se transmettent au sein de la ruche par trophallaxie, inoculation (virus transmis par Varroa) ou par transmission verticale (BQCV). Ils ont une capacité de survie limitée dans le milieu extérieur.
Un diagnostic pas très facile
A part SBV, DWV et CBPV, le tableau clinique d’une affection virale n’est pas toujours explicite. Le portage asymptomatique existe, les virus agissent parfois en co-infection, on invoque souvent la co exposition à des facteurs de stress. Ils participent à des syndromes d’affaiblissement de colonies.
Concernant CBPV, les commémoratifs et l’observation peuvent orienter le diagnostic : recrudescence de la maladie au mois d’aout, présence d’abeilles tremblantes sur les têtes de cadres, abeilles dépilées, refoulées par les gardiennes. On connait différents facteurs aggravants : trappes à pollen, transhumance, forte concentration de ruches, exposition aux néonicotinoïdes. Selon les données de l’enquête Epilobee, 28% de colonies seraient infectées par CBPV sans présenter de symptômes, de même que DWV serait présent dans 84% des colonies (96% des ruchers).
Le virus ABPV agit en synergie avec Varroa. Avant l’apparition de Varroa, il était détecté à très faibles doses. Aujourd’hui c’est un virus régulièrement impliqué dans les mortalités hivernales.
SBV se manifeste par un aspect très particulier du couvain : aspect mosaïqué, larves mortes d’aspect caractéristique. C’est une affection qui affaiblit la colonie et qui peut persister plusieurs années (NB : le lève cadre est un vecteur de transmission de ruche à ruche).
Le diagnostic de certitude d’une affection virale chez l’abeille se confirme par une analyse RT-PCR qui est relativement couteuse (une centaine d’Euros), délicate à interpréter car devant prendre en compte la charge virale. Le résultat est donné en fonction d’un seuil d’interprétation et incertitude de mesure (on parle de PCR quantitative)
Présence chez d’autre pollinisateurs et transmission inter espèces
Outre les risques liés à la dérive, la contamination à l’extérieur de la ruche a pu être démontrée.
Par ailleurs, DWV a été observé dans les genres Bombus (bourdon) et Vespa (frelon).
Concernant l’hypothèse d’une transmission inter espèce, une étude récente a identifié certains des virus de l’abeille domestiques présents sur des plantes à fort attrait et sur des abeilles sauvages et bourdons. Des co-infections ont été relevées principalement avec SBV, BQCV, ABPV et IAPV, ainsi qu’à une très faible prévalence pour DWV.
Moyens de lutte
Contre ces virus il est difficile de mettre en place des mesures classiques de lutte sanitaire. Il n’y a aucune mesure de maîtrise de la réintroduction de ces agents, ni aucun moyen de lutte spécifique. Les leviers de lutte permettant la maîtrise de ces dangers sanitaires, sont d’ordre hygiénique et zootechnique. On recherchera et corrigera les éventuels facteurs de stress, on surveillera l’usage de trappes à pollen, on pourra également intervenir sur la génétique en cas d’affection récidivante. Seuls les virus transmis par Varroa destructor (i.e. le DWV, le SBV et les virus du complexe AKI – ABPV, KBV et IAPV) peuvent être maîtrisés en diminuant les taux d’infestation par V. destructor.
Pas encore de commentaire